dimanche 8 mars 2015

A Dix... nous partons!

"Peleton montant à l'assaut sous les gaz" Otto Dix (1891-1969)
Peu d’œuvres n’auront été aussi éclairantes sur l’horreur de la première guerre mondiale que les cinquante gravures réalisées à l’eau-forte par le peintre allemand Otto Dix. 

C’est avec cet ouvrage mémorable que nous ouvrons notre «herbier sauvage », issu de de ce vaste continent de savoirs qu’avec d’autres jeunes presque en âge de «faire la guerre», nous explorerons en collectant, ici et là, ce qui nous semblera être une invitation à la réflexion. Publié en 1924 lors du dixième anniversaire du déclenchement des hostilités, le «Cyklus» de Dix se voulait être le Manifeste pacifiste d’un «engagé» qui, de ses propres yeux, avait voulu voir la guerre. Des différents aspects de la vie quotidienne des soldats au front, rien n’échappe à son regard, à sa pointe-sèche, à la morsure qu’il impose à la plaque d’impression. Combats dans les tranchées, corps criblés de balles, paysages éventrés par les grenades, assauts, bombardements, beuveries entre "camarades".… le peintre nous donne à voir, sans aucune leçon de morale, le spectacle grotesque et brutal d’une guerre déshumanisante. Otto Dix, qui sera plus tard persécuté par les nazis, rejette la propagande d’après-guerre qui veut déceler chez les survivants «l’expérience fortifiante du front ». 


Fils d’ouvrier, Otto Dix rejoint en septembre 1915 les tranchées de Champagne et connaîtra un étonnant parcours de guerre. Combattant en France sur de nombreux théâtres d’opération, promu sergent, décoré de la Croix de Fer, blessé puis renvoyé au Front, il avouera à son retour "qu'enfoncer une baïonnette dans le corps de l’ennemi procure une sensation indescriptible.» Indescriptible et pourtant ses gravures représentent un «véritable carnet de connaissances» sur un conflit mondial qui se soldera par des millions de morts, soldats et civils, des centaines de milliers de prisonniers misérables, d’innombrables villes et villages détruits avec leurs monuments, des régions entières dévastées, des estropiés de guerre mendiant dans les villes, une population civile affamée, la souffrance indicible d’innombrables familles et individus. Cette guerre laissera derrière elle une Europe politiquement et socialement ravagée qui accouchera quelques années plus tard de la barbarie fasciste et totalitaire.


A la fin de sa vie, Dix confiera dans une interview : «La guerre est quelque chose de bestial, la faim, les poux, la boue, avec ses vacarmes d’enfer. Tout est complètement différent. En regardant des peintures plus anciennes , j’avais l’impression qu’il y manquait un aspect de la réalité : le laid!» L’écrivain français pacifiste Henri Barbusse, auteur du livre « Le Feu » publié en 1916, écrira lors de la parution de ces gravures : «L’homme qui extirpe de son cœur et de son cerveau ces planches effroyables et les étale devant nous a combattu dans les pires abîmes de la guerre. Un très grand artiste allemand, notre ami et frère Otto Dix, a brossé ici, dans les éclairs crus, l’enfer apocalyptique de la réalité… Eclats informes de chair déchiquetée, gaz, feu, poison… telles sont aujourd’hui les armes, les progrès de la science et de la technique, inventions infernales, découvertes vicieuses, qui jouaient avec les corps de ces pauvres gens écrasés… des corps vigoureux dans lesquels un cerveau pensait, un cœur battait!».



Article rédigé avec Christophe, Elodie et Lena (dans le cadre d'une résidence à Stuttgart où sont exposées de nombreuses oeuvres de Dix)











Propositions pédagogiques : comparer "La Guerre" d'Otto Dix avec la suite de 80 gravures rassemblées sous le titre "Les désastres de la guerre" que le peintre espagnol Goya réalisa, à partir de 1810, deux ans après l'invasion de l'Espagne par les troupes napoléoniennes. 
Ateliers d'écriture en lycée autour des planches de Dix précédées de lectures de lettres rédigées dans les tranchées par Dix et d'autres peintres allemands - Nous contacter.




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